Archives mensuelles : juin 2019

L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE EXPLIQUÉE AUX PATRONS, LES PREMIERS CONCERNÉS

I – La vraie IA intéresse d’abord le chef d’entreprise

Si vous êtes patron et vous retrouvez ici, c’est que vous êtes curieux de comprendre ce qu’est cette intelligence artificielle (IA) dont on vous rebat les oreilles et, surtout, de savoir ce que vous pourriez en tirer. Étant moi-même chef d’entreprise, je vais vous expliquer ça et vous relater mon expérience de l’introduction de l’IA dans les entreprises.

Sachez tout d’abord que l’IA, la vraie intelligence artificielle s’entend, celle qui raisonne et ne nécessite pas d’informaticiens, celle qui a obtenu en 2017 le prix d’intelligence artificielle américain Awards Ai, est une technologie conçue d’abord pour les chefs d’entreprise. En effet, elle représente pour eux une prodigieuse source d’économie puisqu’elle vise en premier lieu à faire disparaître leur coûteux service informatique. Toute personne chez vous devient capable grâce à elle de développer des programmes mieux qu’un informaticien, beaucoup plus vite et surtout exactement conforme aux désirs des utilisateurs car ils peuvent les faire évoluer en permanence. C’est l’automatisation de l’automatisation.

En second lieu, l’IA raisonnante multiplie l’intelligence de vos salariés, de vos clients et même de vos fournisseurs en leur offrant le partage des connaissances précieuses que vous jugez utiles et de nouvelles capacités de décision, en amélioration constante.

En troisième lieu, vos salariés deviennent capables de produire des choses que l’informatique ne peut leur offrir : ordinateurs et machines dialoguent avec les utilisateurs et apprennent sans cesse, test logique des idées et des systèmes complexes avant fabrication comme dans la tête des ingénieurs (mais infaillible), aide à l’invention, auto-apprentissage, etc.

En dernier lieu la communication avec les machines devient itinérante. L’ordinateur est invisible, rester cloué devant lui est sans objet : plus de clavier, de souris et même d’écran. On communique avec lui à la voix (casques sans fil) et même par la pensée (électrodes).

Avec une telle IA votre société ressemblera à un organisme vivant en pleine croissance dépassant de loin les autres.

Ceci dit, elle ne remplace pas les programmes qui existent déjà ! Il faut les garder car ils ont beaucoup coûté et rendent service. N’utilisez l’IA que pour les nouveaux développements.

II – Méfiez-vous de votre responsable informatique !

Le pire ennemi de l’intelligence artificielle c’est votre responsable informatique. Pour une raison bien simple : une entreprise dotée d’une intelligence artificielle n’a plus besoin d’informaticiens, donc de lui.

Si vous envisagez sérieusement d’introduire cette technologie chez vous il deviendra votre ennemi. Oh, pas ouvertement ! En douce. Et je sais de quoi je parle. Cela fait trente ans que j’assiste à l’obstruction souterraine de ces chefs de service face à l’IA, obstruction qui ne doit son efficacité qu’à la démission des patrons qui ne cherchent pas à la comprendre, la prenant à tort pour une technique informaticienne incompréhensible. D’où l’intérêt de cet article.

L’objection la plus fréquente présentée par le responsable informatique contre l’IA raisonnante consiste à prétendre qu’avec ses développeurs il fait aussi bien que l’IA (à condition que vous lui en donniez les moyens, bien entendu…). C’est faux ! Les méthodes de programmation qu’il utilise sont en échec constant depuis 50 ans, faute d’être automatisées. Programmer est un art individuel. D’où les innombrables bugs et lenteurs de mise au point. Demandez-lui pour quelle raison depuis que vous le connaissez jamais il ne vous a parlé de la « crise du logiciel », un constat bien connu datant de 1960 décrivant l’incapacité des méthodes de programmation de s’améliorer alors que partout ailleurs les techniques progressent. Une crise que vous vivez d’ailleurs sûrement dans votre société.

Elle se vérifie au travers d’une enquête annuelle mondiale faite tous les deux ans par le Standish Group : elle établit que 70 % des programmes sont rejetés par les utilisateurs tellement ils sont ratés. Voyez ci-dessous ce tableau du Chaos Report qui l’illustre année après année :

Chaos Report 2011-15

« Successful » veut dire programmes acceptés par les utilisateurs

« Challenged » signifie programmes à réécrire

« Failed » signifie programmes mis à la poubelle

 Bien entendu, vous n’avez jamais entendu parler de cette étude qui paraît pourtant depuis 1994. Cet échec officiel de l’informatique aurait du faire réagir. Eh bien, non. Les informaticiens dissimulent l’info, courbent le dos et continuent à paralyser le progrès en imposant leurs méthodes manuelles surannées.

La programmation dans votre entreprise demeure donc… un art. « Nous sommes toujours à la recherche d’une théorie générale de construction des logiciels. L’informatique n’a pas, pour l’heure, ce caractère constructible et prédictible des objets physiques » disait Joseph Sifakis, prix Turing 2005, l’équivalent d’un prix Nobel. Il n’a pas du faire beaucoup de recherche bibliographique car cette théorie générale, la Maïeutique, existe depuis longtemps et a beaucoup fait parler d’elle dans la presse (privée, pas dans les médias informatiques « officiels » entendez ceux de la recherche universitaire financée par nos impôts).

De même, vous n’avez jamais entendu parler de la solution commercialisée depuis 1986 : l’automatisation de la programmation par la Maïeutique qui exploite l’Intelligence Artificielle raisonnante. Pourtant, une foule d’articles dans la presse et des milliers de références sur le web en ont parlé. A quoi vous sert donc votre responsable informatique pour que vous l’ignoriez ?

Ces trente-trois ans de silence devraient suffire à vous démontrer la perversité du monde des informaticiens sur lequel vous êtes contraint de vous appuyer.

 

III – Les « intelligences artificielles » dont on vous parle sont fausses

Si vous n’avez pas entendu parler de la crise du logiciel ou du Chaos Report, vous avez en revanche sûrement entendu parler de toutes ces intelligences artificielles américaines « géniales » qui battent nos joueurs aux échecs, au go et au poker, pilotent nos voitures, font de la reconnaissance vocale (Siri), etc. Là encore, on est en pleine tromperie informaticienne. Il s’agit de programmes classiques écrits manuellement avec des langages de programmation tout à fait courants par des tripotées d’informaticiens « de haut niveau », fonctionnant à grand renfort d’ordinateurs surpuissants qui calculent (alors qu’ils devraient raisonner comme les humains). Soit dit en passant, une (vraie) IA tient sur un minuscule microprocesseur.

L’intelligence artificielle a été définie dès les années 1950 comme une technique qui permettrait aux ordinateurs de se faire passer pour nous en dialoguant avec nous : le fameux « test de Turing ». Les films et les livres d’anticipation l’ont parfaitement compris montrant des IA qui parlent avec des humains et les étonnent par leurs connaissances. Eh bien, soixante-dix ans plus tard, en dépit du progrès et des moyens énormes déployés de par le monde, on attend toujours ! Les IA dont on nous parle sont muettes, spécialisées dans des domaines étroits, tournent loin des regards du public. On ne les « voit » que dans les labos des GAFA (les « géants américains du web » auxquels s’ajoutent les géants, toujours américains, de l’informatique comme Microsoft et IBM).

Il y a tromperie sur la marchandise !

 

IV – L’obstruction des responsables informatiques à l’IA raisonnante

1.     Joséphine, la première IA, par laquelle tout le malheur est arrivé

Joséphine fut la première IA « raisonnante » installée en entreprise (Banque de Bretagne, 1986), issue de la Maïeutique. Le premier système expert de l’histoire développé par des non informaticiens, en seulement 3 mois, destiné au grand public. Une vraie IA, capable de dialoguer avec les utilisateurs parfois pendant plus d’une demi-heure, qui analysait leur profil, autorisait les changements d’avis et suggèrait les produits financiers les plus profitables adaptés au client.

L’application fut présentée en janvier 1987 à la presse. Une foule de journalistes s’est retrouvée dans une salle pleine de micro-ordinateurs, en présence des deux analystes qui ont fourni leur expertise, du maïeuticien qui avait écrit pour eux le système expert, de l’inventeur de la Maïeutique et du responsable informatique de la Banque de Bretagne (Jean Le Chanu).

Les journalistes purent tester Joséphine eux-mêmes. Apparemment, ils furent ébahis de la facilité d’utilisation et de la percée technologique. Les mois suivants, certains d’entre eux entrèrent incognito dans les agences de la banque se faisant passer pour des clients pour la tester. Une façon idéale de ne pas écrire un article erroné sur l’intelligence artificielle. En 1987 une quarantaine d’articles furent publiés par la suite dans les journaux nationaux, entre autres Les Échos, Le Point, Le Monde Informatique, 01 Hebdo, le Nouvel Économiste où le président de la Banque de Bretagne se réjouit de son succès en se faisant prendre au photo, les Echos Industrie, Bancatique, etc. De nombreuses conférences (JIIA 87, Cesta) furent organisées partout en France pour présenter cette IA. L’inventeur de la Maïeutique fut invité à faire des démonstrations dans de nombreuses banques. Un livre décrit même comment les non informaticiens développèrent Joséphine : Développer un système expert.

Par contre, rien dans la presse officielle liée à la recherche ou à l’intelligence artificielle. Aucune référence dans les publications des chercheurs IA.

On peut assurer qu’avec une telle notoriété l’intelligence artificielle française était devenue une réalité incontournable dont on attendait la suite avidement.  Et pourtant, aujourd’hui en 2019, elle a disparu des radars. On n’entend parler que de la fausse IA américaine incapable de dialoguer avec les humains, la même que celle des années 1980. Qu’a-t-il bien pu se passer pour en arriver là ?

Voilà ce qu’il va se passer : le succès de Joséphine la met sur le devant de la scène et va lancer la machinerie informaticienne contre l’IA raisonnante. D’un côté, de nombreuses administrations poussées par les universitaires informaticiens, dont le fisc et la justice, s’unissent pour couler la société qui la commercialise (redressements, hypothèque secrète, condamnations financières, interdiction de gérer, expulsion, etc.), de l’autre les clients ne concrétisent quasiment jamais obligeant l’inventeur à faire une prospection effrénée. Il relate son inimaginable calvaire année après année, de 1986 à aujourd’hui, dans un blog de trois cent pages !

2.     Comment l’informatique tue une technologie nouvelle qui vise à la rendre inutile

La banque de Bretagne profitait de sa nouvelle notoriété pour engranger les clients et leur argent, principalement à Paris et Rennes où le système expert était en libre service. Mais… l’argent rentrait dans les caisses de la Direction sans que rien ne soit reversé au service Analyse Financière qui avait « raclé ses fonds de tiroir » pour financer le projet ! Le service informatique, qui gère les achats de logiciel, refusait de financer les mises à jour. L’expertise de Joséphine devint peu à peu obsolète. Étonnamment, la Direction de la Banque de Bretagne ne fit pas un geste pour entretenir ce bijou qui l’avait rendue célèbre en France et à l’étranger. Elle cessa de communiquer.

Résultat : au bout d’un an, l’IA n’était plus utilisé. Le pot aux roses fut découvert quand un journaliste du Monde informatique a enquêté se faisant passer pour un client. D’où son article que vous pouvez lire ici : Joséphine opérationnel ? Oui mais…

Voici un résumé instructif de ses observations :

« Première constatation : il y avait un manque visible de pratique du logiciel » : évidemment, il n’était plus utilisé.

« Deuxième constatation : au bout d’une demi-heure, Joséphine a déclaré forfait » : bizarre, avant lui ce ne fut signal&é par personne auparavant, ce ne fut constaté ni par les autres testeurs, clients, journalistes, ou experts, sinon il y aurait eu modification.

« Troisième constatation : la version disponible à l’agence était périmée quant aux données fiscales ». Voilà qui la rendait clairement inutilisable. Pour la mettre à jour, il fallait payer les développeurs et les experts. Mais, curieusement, jamais l’inventeur de la Maïeutique ne fut avisé des problèmes d’argent de la banque. Sinon il aurait fait le travail gratuitement, cette vitrine était trop importante pour lui qui venait de démarrer son entreprise (Arcane).

« L’absence de connexion au réseau informatique de la banque oblige le conseiller à questionner le client sur des données fastidieuses déjà connues s’il a ses comptes chez elle ». Encore une faute de la banque ! Récurrente dans l’histoire de l’IA raisonnante : tout est fait pour éviter qu’elle soit reliée au réseau informatique ce qui lui donnerait une légitimité, le B.A. BA de l’intégration pourtant. Son utilité est ainsi circonscrite au seul service utilisateur et personne d’autre ne peut en profiter. Jean Le Chanu, directeur du service informatique de la Banque de Bretagne, ne l’ignorait pas. Il se faisait même prendre en photo par le journaliste devant un micro ordinateur supportant Joséphine (sa photo est en bas de l’article à droite, où il est nommé par erreur Jean-Luc Préteseille, un des deux experts).

Comment la Banque de Bretagne a-t-elle pu laisser mourir un outil marketing aussi essentiel pour son existence ? Une banque ne peut exister aujourd’hui que par son informatique, le service le plus important pour elle. Si le directeur informatique, le personnage le plus éminent de la direction après le directeur général, laisse pourrir l’application puis répète que l’on a perdu assez de temps avec une technique bidon bourrée de bugs, incapable de collaborer avec les ordinateurs centraux, qui va finir par nuire à l’image de la banque et qu’il ne donnera pas un sou à ce projet (ce qu’il fait), les autres membres finissent par passer à autre chose.

Mais il y a peut-être une autre raison, plus discrète : la Banque de Bretagne est nationalisée par Mitterrand depuis 1982. Elle dépend donc de l’État qui se révèle à partir de 1987 un ennemi féroce de l’inventeur – privé – de la Maïeutique, suivant en cela les consignes des chercheurs universitaires en IA. D’où l’absence totale de communication et de récompenses en faveur de cette innovation française, qui se transformera en guerre totale avec tous les moyens de l’État quand ses succès se répèteront.

Malgré tout, le bilan du journaliste du Monde Informatique apparaît positif : « Malgré ces restrictions de taille, Joséphine fera date. (…) Son utilité n’est pas remise en question par ses utilisateurs » Un sacré compliment vu ses critiques.

Sa conclusion : « on est sans doute encore loin du véritable prix à payer pour avoir des systèmes complètement et définitivement opérationnels ». Erreur ! De nombreux systèmes experts de ce type continueront à être vendus au cours des années, toujours destinés aux non informaticiens et soigneusement mis à jour, entre autres Createst commercialisé par l’Agence nationale d’aide à la création d’Entreprises (1987-96), Exportest commercialisé par la région Pays de la Loire (1990), Aloès commercialisé par l’université de Nancy 2 (1993-2001).

3.    L’assassinat d’Aloès

Aloès (Aide à l’Orientation dans l’Enseignement Supérieur) fut développé grâce à la Maïeutique deux ans plus tard. Il dialoguait avec les bacheliers pour trouver les métiers qui leur conviendraient, indiquait les études supérieures correspondantes et fournissait un bilan personnalisé imprimé. Il était mis à jour très sérieusement au cours des années par un pool d’experts porté à bout de bras par la volonté d’un professeur, Christian Heddesheimer.

Quand celui-ci partit à la retraite, le logiciel échut devinez où ? Dans la besace du service informatique de l’université. Et devinez ce qu’il en fit ? Son patron ne vit aucun intérêt à poursuivre dans cette voie, pourtant rentable et indispensable aux étudiants. Sans état d’âme, il enterra la commercialisation d’Aloès.

4.   Jouan SA

Dans cette entreprise nantaise leader du secteur des appareils de laboratoires médicaux, tout était bien parti. C’est le patron qui voulait l’IA et il savait que son responsable informatique s’y opposerait. Il l’a donc achetée et remis entre les mains de services non informaticiens.

La première application consistait à guider deux opérateurs fraîchement embauchés pour faire de la prospection téléphonique alors qu’ils n’y connaissaient rien dans le secteur des machines médicales. L’IA les guidait pas à pas pendant qu’ils étaient au téléphone avec leurs prospects. Bilan selon son directeur général François Lagier : « En deux mois, nos conseillers ont appris par cœur le contenu de l’outil qui devait à l’origine leur venir en aide pour donner des réponses complexes ». Ce n’était pas le service attendu…

En effet, privés de collaboration avec l’informatique, ces conseillers étaient contraints de faire un travail idiot : ils transmettaient au service commercial les résultats de leur prospection par écrit, mais dépourvus de toutes les déductions marketing précieuses faites par l’IA, au lieu de laisser celle-ci communiquer toutes ses données au réseau informatique pour éviter la double saisie. Et pan pour la stratégie « zéro papier » ! Le service commercial ressaisissait donc les données (une partie, le reste était perdu) sur ses ordinateurs. Personne ne s’en plaignait. La direction ne s’en occupait finalement pas. Du coup, ayant acquis la connaissance de l’IA ils n’ont plus rien saisi au clavier et cessé de l’utiliser ! Grosse faillite de l’intégration.

Par ailleurs un expert des machines Jouan fut missionné par le patron pour introduire sa connaissance dans l’IA afin que ses collègues soient guidés dans le diagnostic de panne. Hélas, son patron ne lui avait pas dégagé une minute pour ce travail ! Comme il était passionné par le projet mais déjà saturé comme tous les experts, il n’eut plus qu’une solution pour travailler avec l’IA : bosser le week-end ! Mais ça n’a pas duré et il a fini par abandonner.

C’est ainsi que l’IA est morte dans une société dont le DG en voulait pourtant.

5.    La Sovac

Ce cas d’obstruction est relatée dans le détail ici : « 1992 – Mon client, la Sovac : exemple d’obstruction informaticienne à l’innovation dans l’entreprise » En résumé, un service de cette société a acheté une IA raisonnante en cachette du directeur informatique sachant que celui-ci s’y opposerait. Il a réalisé avec elle quelque chose qu’il croyait impossible. Son patron, Dominique Monera, en fut si satisfait qu’il voulut investir à titre personnel dans cette technologie et la commercialiser dans le secteur bancaire qu’il connaissait bien. Il en fit même la publicité dans des colloques sur l’IA, comme Euroforum (1996) :

Euroforum Sovac et Maieutique page couverture 29 mai 1996

Euroforum, conférence sur Maieutica et cf Sovac avec Monera, 29 mai 1996

Deux conférences Euroforum le même jour pour l’IA raisonnante : à 10 h et à 11h45 (et aucune en trente ans dans les colloques organisés par les chercheurs en IA universitaires…)

C’est probablement par ces colloques que le directeur informatique de la Sovac a appris que l’intelligence artificielle était entrée dans sa société. La réaction a été subtile : M. Monera a été promu. Pour se retrouver dans un autre service où l’IA ne servait à rien. Il fut remplacé par une dame pas du tout intéressée par l’intelligence artificielle. Le service informatique pendant ce temps-là faisait de la récupération : il transformait l’IA raisonnante où tout était automatisé en une IA « manuelle » ne pouvant fonctionner qu’avec une équipe de programmeurs, hélas accompagnée de son cortège habituel de lenteurs, d’erreurs et de coûts informatiques.

Exit l’IA raisonnante de la Sovac !

6.    Crédit Agricole Île de France

Un an après la sortie de Joséphine, le service informatique du Crédit Agricole d’Ile de France a publié un appel d’offre très intéressant : recherchons un prestataire expérimenté en intelligence artificielle pour développer un système expert conversationnel en placement financier. Soit exactement le portrait de Joséphine. Là, il y avait un budget important et clairement identifié. L’inventeur de la Maïeutique, ravi, répondit à l’appel d’offres disant qu’il savait faire et qu’il avait déjà fait, copies d’articles de presse à l’appui.

On connait la détestation des informaticiens face à l’IA raisonnante. Comment allaient-ils faire pour refuser cette offre incontournable ? Il ne fallait surtout pas qu’ils demandent une démonstration de Joséphine, leurs collègues du service commercial en auraient voulu tout de suite. Il fallait rejeter tout net cette proposition. Mais avec quel prétexte ? Alors ils ont trouvé cette raison extraordinaire : désolé, on ne travaille pas avec les prestataires de province !

Le Crédit « Agricole » ne travaille pas avec la province ! Bilan : comme personne d’autre n’était compétent en IA, jamais aucun système expert d’aide au placement financier ne fut développé dans cette banque.

7.    Sigma Informatique

Sigma est « Éditeur de logiciels, intégrateur de solutions digitales et infogéreur de clouds hybrides ». Soit un nid d’informaticiens, une société farouchement informatique de huit cent personnes. Elle a pourtant installé plusieurs IA raisonnantes à partir de 2013 pour guider les opérateurs chargés de la hot line des clients Sigma. Toujours parce que le conversationnel intelligent réclame un raisonnement hors de portée des techniques classiques. Sa satisfaction fut telle que, bien que ce concept risque de heurter la susceptibilité de ses informaticiens, elle a osé en parler dans son journal d’entreprise (avec cependant quelques précautions oratoires).

Le responsable innovation qui les a introduites dans la société, Steven Morvan, connaissait bien cette innovation avant d’entrer chez Sigma et a absolument tout fait pendant douze ans pour y répandre ce qu’il voyait comme ses bienfaits. Il n’y a jamais eu d’opposition frontale ni de mauvaise foi de la part des informaticiens. Tout ce monde était sympathique et ouvert. Les différents chefs de service réunis lors des présentations de cette IA sous la houlette de M. Morvan en voyaient bien l’intérêt sans cependant être totalement convaincus. Ils posaient des questions pertinentes, signalaient qu’extraire les connaissances de leurs énormes logiciels pour les confier à l’IA serait un gros travail coûteux et risqué, qu’il vaudrait mieux commencer un projet nouveau pour tenter le coup. Ils allaient réfléchir. Mais, hélas, il n’y a eut pas de projet nouveau et on ne sut jamais à quoi avait abouti leur réflexion.

C’est le service achat qui a donné le coup de grâce lors d’une nouvelle commande transmise par M. Morvan : il a exigé la communication du code source de l’IA raisonnante avant de passer de nouvelles commandes. Une demande inhabituelle évidemment suggérée par les informaticiens, qui leur permettait éventuellement de pomper la technologie. C’est pourquoi on ne demande pas les codes sources des logiciels innovants qu’on achète, ni des autres d’ailleurs. Comme ce n’était pas possible, le vendeur proposa en échange un marché honnête : consacrer le budget de la commande à un nouveau développement de cette IA en interne, plus moderne, dans un langage informatique familier de Sigma et avec ses propres programmeurs, sous la houlette de l’inventeur mais restant sa propriété. Cela permettait au client de disposer par la suite d’autant de versions gratuites de cette IA que désiré.

Le service achat refusa le deal. Plus aucune commande ne fut faite et M. Morvan finit par quitter la société…

8.    Autres cas d’entreprises

Les clients de l’IA raisonnante sont principalement des services utilisateurs de grands groupes. Ceux-ci disposent d’experts qui se sont formés sur le tas à force d’être consultés. Ils disposent de connaissances précieuses utiles à plusieurs services. Un jour, ils ne peuvent plus répondre à toutes les demandes et deviennent des goulots d’étranglement. C’est alors que, par leur entremise, se fait jour la demande d’une IA « conversationnelle » capable d’offrir leur savoir aux utilisateurs (puisque l’informatique traditionnelle ne le peut pas) par intranet et extranet.

Pour évaluer cette technologie nouvelle avant de l’acquérir, les experts procèdent progressivement : d’abord une journée de test en compagnie de l’inventeur sur un ou plusieurs cas réels pour voir les dialogues produits par l’IA. Ensuite ils évaluent par extrapolation le temps qu’il reste pour développer le conversationnel et peuvent donc estimer la rentabilité de l’opération. Enfin ils décident d’acheter une première version de cette IA pour s’y coller.

A ce stade, de deux choses l’une : ou ils ont l’argent pour cette acquisition et la commandent (sans passer par le service informatique comme à la Banque de Bretagne), ou ils ne l’ont pas. S’ils l’ont, ils peuvent l’acquérir et développent leur conversationnel. Enchantés des résultats, ils en parlent autour d’eux et à la presse puis décident de passer commande de plusieurs IA pour les répandre dans leur service et les mettre à la disposition d’autres services. Ils transmettent leur commande à la hiérarchie. S’ils ne l’ont pas, ils décident de passer commande d’une l’IA pour test et transmettent à la hiérarchie.

Et là, dans les deux cas, pas de réponse ! Le budget n’est pas refusé, on ne les prend pas de front, on les laisse mariner. Des semaines s’écoulent, puis des mois. Ils relancent sans cesse, sans réponse. Ils n’y comprennent plus rien. Jamais ils n’ont connu cette absence de réaction. A force de secouer le cocotier, certains obtiennent une réponse laconique : on ne dit pas non, il y a simplement des investissements plus urgents dans votre service. Là, ils explosent, exposant qu’ils sont tout de même les mieux placés pour savoir ce qu’il y a d’urgent ou non, de rentable ou non, dans leur service. Puis ils finissent par laisser tomber, écœurés.

Le dénouement est toujours le même : les médias relaient la satisfaction des clients mais les commandes n’arrivent pas. L’IA raisonnante ne se répand pas, au contraire de la fausse IA des informaticiens. Ce que M. Monera de la Sovac appelait du « one shot » : la même réaction qu’un produit qui ne tient pas ses promesses…

9.    Le cas extraordinaire de Jean-Louis Laurière, le premier à avoir développé une IA raisonnante.

Le raisonnement c’est le syllogisme décrit par Aristote il y a 2 400 ans. Si A=B et B=C, alors A=C. Si C est faux, alors B est faux donc A est faux (contraposée). Or, c’est ce qu’un chercheur français inconnu, Jean-Louis Laurière, a fait programmer par deux de ses thésardes en 1982. Ce qui a donné, en France, le premier système expert raisonnant de l’histoire : Pandora. Il marchait si bien qu’il fut mis sur le marché en 1986 sous le nom d’Intelligence Service (sur lequel tournait Joséphine). Laurière introduisait ainsi une vraie IA dans les entreprises françaises.

Mais, deux ans plus tard, en 1988, alors que sa perle rare a permis l’invention de la Maïeutique qui donne de nombreuses réalisations encensées par la presse, il la retire du marché ! Puis il refuse mystérieusement de publier quoi que ce soit dessus. Il dissuade même ses disciples d’y faire allusion. Il est si efficace dans ce déni que lorsque Science et Vie en parle (« Du zéro pointé au Zéro Plus ») ils accourent pour lui réclamer un droit de réponse niant tout intérêt à cette réalisation. A sa mort ils dressent le panorama de son œuvre, dans lequel il n’y a pas Pandora (chapitre III de Jean-Louis Laurière, l’homme qui voulait qu’on ignore son invention).

Pourquoi cette obstination qui frise le hara-kiri puisqu’un chercheur est tenu de publier sur ses recherches ? Aux yeux de Laurière, de ses collègues et de ses disciples, l’informatique devait rester l’apanage des seuls « initiés ». Elle ne devait pas être accessible à tous. Sinon de prétendus génies seraient démasqués… Des carrières de « chercheurs » seraient fichues en l’air. Or, les succès de la Maïeutique offraient son intelligence artificielle raisonnante au monde entier, en commençant par tous les non informaticiens tellement désireux de programmer à la maison en toute liberté. C’était intolérable !

Résultat, notre société a pris trente ans de retard.